SAINTE VERONIQUE
Existence de sainte Véronique. — Sa condition. — Son voile.
Ses voyages à Rome et dans les Gaules.
Sa mort et sa sépulture : tels sont les intéressants sujets de cette biographie.
I Existence de sainte Véronique. — Il y a deux grandes sources de vérité : la Tradition et l'Écriture. Quand elle est ancienne, constante, universelle et surtout romaine, je veux dire reçu par Rome, la mère et la maîtresse infaillible des églises, la Tradition est une source de vérité, Ses enseignements sont aussi certains que ceux de l'Ecriture. De là vient que saint Paul n'hésitait pas à écrire aux Thessaloniciens : «Gardez les traditions que vous avez reçues soit de vive voix, soit par notre lettre »
II La tradition par laquelle nous connaissons l'existence de sainte Véronique réunit dans son ensemble les conditions indiquées plus haut. Elle est d'autant plus sûre qu'elle se rattache à un fait matériel et toujours subsistant : c'est le voile religieusement conservé à Rome depuis l'origine du Christianisme. Commençons par faire justice des négations des critiques modernes, d'autant plus affirmatifs qu'ils sont moins instruits. L'école des Lannoy et des Baillet a prétendu que sainte Véronique était un personnage imaginaire. III «Le nom de Véronique, disent-ils, est composé de deux mots vera icon, qui signifient vraie image ; mais jamais il n'a été le nom d'une femme. » Ils veulent bien convenir que c'est la représentation de la face de Notre Seigneur, empreinte sur un linge ou mouchoir, que l'on garde à Saint-pierre de Rome. Quelle est l'origine de ce linge, quand, par qui, comment fut-il apporté à Rome ? « Ils n'en savent rien. Ils disent seulement que quelques-uns se sont persuadé, mais sans aucune preuve, que c'est le mouchoir avec lequel une sainte femme de Jérusalem essuya le visage du Sauveur, lorsqu'il allait au Calvaire chargé de sa croix. Cette opinion populaire a pu venir de ce que les peintres ont souvent représenté la Véronique, ou la vraie image, soutenue par les mains d'un ange, et d'autres par les mains d'une femme. »
C'est ainsi qu'ils écrivent l'histoire. Mais l'histoire reprend aujourd'hui ses droits. IV D'abord, l'étymologie donnée au nom de Véronique, vera icon, est une monstruosité, attendu que la tète est latine et la queue grecque. L'antiquité n'a jamais connu cette manière bizarre de former des mots. Ce procédé appartient aux temps modernes, où l'invasion du grec a complètement défiguré nos langues scientifiques. Ensuite, nos critiques oublient que le changement des lettres V en B et en F se rencontre très souvent dans les langues anciennes et modernes. Ainsi serfus pour servus; ci fis pour civis; Varca pour Barca; Verdinand pour Ferdinand. Pline appelle Phérénice la même personne que Maxime Valère appelle Bérénice. Il serait facile de multiplier ces exemples; mais ils suffisent pour nous autoriser à dire, avec les plus anciens titres, que le nom de la sainte et courageuse femme, dont nous nous occupons, n'est pas Véronique, mais Bérénice V Dans la Vie de Notre Seigneur, le docteur Sepp s'exprime ainsi : «Une grande foule de peuple suivait Jésus, entre autres des femmes qui le plaignaient et le pleuraient. L'une d'elles nommée Bérénice, ou Véronique, comme le rapporte une tradition très ancienne, s'avança vers lui d'un air compatissant et lui essuya son visage, etc. » On sait qu'en Orient, au temps de Notre -Seigneur, le nom do Bérénice était connu, peut-être môme commun, parmi les femmes. Les Actes des apôtres aussi bien que l'histoire profane ne permettent pas d'en douter. Ainsi nous avons Bernice ou Bérénice, femme de Ptolémée Lagus, roi d'Égypte; Bérénice, femme de Ptolémée Évergète ; Bérénice, mère et soeur du vainqueur aux jeux Olympiques; Bérénice, fille d'Hérode I°t; Bérénice, qui essuya le visage de Notre Seigneur; Bérénice, fille d'Hérode Agrippa l'Ancien. (LI Voir Cor. a Lap. in Math. XXII, 31; et Act. AP. XXV, 14 On explique sans peine que, par un changement de lettre et pour faciliter la prononciation, de Bérénice on ait fait Véronique; par égard pour l'usage, nous conserverons le nom de Véronique, dans cette biographie.